Mais qu'est-ce?

Histoire histrionique est un blog avec lequel j’aborde diverses anecdotes historiques d’une façon… D’une certaine façon en tout cas. En général, les faits présentés devraient être véritables. En revanche, j'hésiterais à utiliser ce blog comme référence pour votre thèse.

31.8.09

Surprise dans les alpes

Je tente à présent de diminuer de beaucoup la taille de mes chroniques. Ceci est le premier article qui souffrira ou bénéficiera (on verra) de ce traitement. Après tout, je m’étais donné comme mission de soulever une anecdote historique de façon un peu humoristique, et non pas de revomir toute l’histoire au complet; des centaines de textes à portée de clique peuvent le faire à ma place… En espérant que vous prendrez le temps si le sujet vous intéresse…

Jeu de rôle: c’est l’automne ou l’hiver en l’an 218 avant mon ami Jici (J.-C.), vous êtes un paysan romain vivant au nord de ce qui est aujourd’hui l’Italie, il neige un peu, il y a un brouillard froid caressant un fabuleux col dans les Alpes… Beau paysage. Qu'est-ce que vous pouvez vous attendre à voir arriver par le col vers votre vallée?

QUOI?!

Si vous avez répondu «une armée ennemie venant de traverser les ALPES avec des ÉLÉPHANTS de guerre AFRICAINS», et bien vous devez avouer que vous êtes mauvais acteur parce que vous avez vraiment mal joué votre rôle de paysan Romain. Vous ne pouvez pas vous attendre à voir des éléphants… Premièrement parce que vous ne savez peut-être même pas ce que c’est ou vous en avez entendu parler un peu de la même manière dont nous parlons des extra-terrestres aujourd’hui, et, deuxièmement, les mots ÉLÉPHANTS AFRICANS et ALPES ne devraient pas se trouver dans la même phrase.

C’est pourtant ce que Hannibal Barca (souvent simplement nommé «Hannibal») a décidé de faire. Hannibal était un politicien/général de Carthage. Carthage était une puissante Cité-État (un peu comme Rome) du nord de l’Afrique. Elle se trouve maintenant en Tunisie… Se trouve maintenant en Tunisie… Parce qu’avant elle se trouvait en où au juste? En Russie? Bravo Simon. Apparemment que la Tunisie, ça vaut la peine d’être visité. J’irais bien voir Carthage moi… Demain si possible.

Bon je viens d’aller voir sur Expedia et j’allais faire une blague sur l’impossibilité de mon plan, mais finalement il y a un vol demain pour Tunis avec escale à Casablanca au Maroc, aller-retour 1400$. Faque c’est ça. À+ la gang.

Bon bon bon, OK je vais essayer de finir ça au plus vite là…

Disons que l’époque où tout ça se déroulait était assez tendue dans la méditerranée parce que Rome était en train de répandre son hégémonie à grands coups de bâtons piquants. Carthage était une puissance similaire à Rome, et elle ne prenait pas ça trop bien. Hannibal était parti attaquer les possessions romaines avec cet historique là en tête. C’était la Deuxième Guerre punique dont il est pratiquement l’instigateur. Sa route fut fructueuse et il est l’un des pères fondateurs des stratégies de guerre. Un des stratèges les plus reconnus avec le Chinois Sun Tze et son «Art de la Guerre».

Le siège d’Hannibal sur Rome dura presque 10 ans, mais il dut se rendre à l’évidence et retourner chez lui… Les Romains le suivirent et gagnèrent une bataille importante en Afrique du Nord contre lui. Cette défaite vint vraiment réduire Carthage à une de ces entités importantes dans l’Histoire dont on se souvient peu aujourd’hui…

Ce qui est le plus intéressant pour moi dans cette histoire, c’est le genre de manque de communication qu’il y avait entre les armées et les gouvernements à cette époque. On s’entend qu’il n’y avait pas de radio satellite pour parler en direct avec ces généraux et pas d’avions-espions pour voir le mouvement des troupes alliées et ennemies. Hannibal avait une telle vendetta contre Rome qu’avec les années «sur la route» avec ses hommes, il en vint un peu à se détacher de Carthage elle-même. Je crois même qu’à un moment donné, les officiels Carthaginois devaient avoir un peu mis cette guerre au rancard et que Hannibal apparaissait de moins en moins à l’ordre du jour.

Exagération = bon gag. En plus, je doute qu’ils étaient blancs comme ça…

Dites, je devrais amener une petite laine ou un coupe-vent en Tunisie?

5.8.09

Benedict change de chandail

Trois catégories de personnes semblent avoir entendu parler de Benedict Arnold : Les Américains, les Britanniques et… les Beaucerons avec leur fameux «Auberge Benedict Arnold».

Le plus intéressant dans tout ça est que les membres de la dernière catégorie semblent surpris d’apprendre que Benedict Arnold est un nom très connu aux USA. Je ne sais pas trop comment on fait pour passer devant une grosse pancarte arborant la face de Benedict Arnold à tous les jours pendant toute sa vie et pas se demander qui ça peut bien être.

«Sûrement huste un aut’ cave en ch’fal qu’on s’en sac’» - Steeve Veilleux de Saint-Georges.

Considérant que les Beaucerons sont probablement les plus américains des Québécois, l’Histoire de Benedict Arnold se marrie vraiment bien à leur propre Histoire… Benedict et les jarrets noirs se sont rencontrés à un moment important.

Les Américains ont des cours d’Histoire beaucoup plus poussés que nous. Mais comme dans tout, leurs connaissances sont extrêmement concentrées sur les USA… Donc oui, ils connaissent plus souvent bien l’Histoire que nous… la leur en tout cas…

Benedict Arnold (1741-1801) est un Américain du Connecticut qui a été général lors de la Révolution américaine (Guerre de l’Indépendance américaine). Les Américains, même s’ils ne se souviennent pas nécessairement des détails de la vie de Benedict Arnold, associent tous son nom à un mot : traître. Il n’est pas hors du commun de dire «T’es un maudit Benedict Arnold» lorsqu’on reçoit un couteau dans le dos à une partie de Risk (avertissement : Risk détruit les amitiés les plus solides). Moins commun à une game de Scrabble mais bon.

Sauf que ça ne prend pas beaucoup de temps pour comprendre qu’encore une fois, c’est un peu «grossi» cette histoire de trahison de la part de Ben. Sérieusement, on peut juste en prendre une certaine quantité avant de péter sa coche. Moi j’ai le goût de fesser dans le mur si je me pète le petit orteil sur le coin du frigo en me penchant pour ramasser un verre que je viens juste d’échapper en faisant la vaisselle; à la place de Benedict Arnold, j’aurais peut-être pompé bien avant.

À son jeune âge, il a tenté de rentrer dans l’armée et, bien qu’elle ne se soit pas tassée pour lui présenter le mur, c’est sa mère qui a refusé de lui donner la permission. Il voulait se battre contre la Nouvelle-France et conquérir le continent, mais il n’avait que 14 ans. Il finit par faire partie d’une milice à 16 ans, mais la guerre se termine assez vite (1759, conquête de Québec, et tout ce qui en découle) et il n’a pas le temps de faire grand-chose. Même sur cette jeune époque, on lui cherche des bibittes en disant qu’il aurait déserté en apprenant la mauvaise tournure d’une bataille, mais les histoires sont très floues. Dans le pire des cas, c’est son unité complète qui aurait rebroussé chemin, et non pas lui personnellement…

Avec un calme militaire relatif dans les années 1760s , Ben se concentre sur la business et fait du gros cash, mais quand le chiar (chior?) reprend pour l’indépendance américaine (milieu 1770s), il se lance et progresse rapidement dans les rangs à cause de stratagèmes de batailles forts appréciés, dont une des premières victoires importantes des patriotes américains sur les troupes loyalistes britanniques : la prise du Fort Ticonderoga et d’autres forts sur la frontière entre le Québec et les USA dans le coin du lac Champlain…

Et c’est là que les orteils sur les coins de frigos commencent pour Benedict Arnold. On a plusieurs raisons de croire que par son succès, sa forte personnalité et ses arrivées rocambolesques, il vole un peu le stage des généraux patriotes en place. Avec les mois, certains d’entre eux se liguent tranquillement contre lui.

Le gars les aide à fond, mais il doit toujours se battre pour ne pas se faire voler le crédit de ses victoires.

Après avoir coupé les communications entre les troupes britanniques au sud et celles au Québec, le terrain était prêt pour une invasion du Québec. Et oui, si vous ne le saviez pas, le «Canada» (pas encore officiellement une confédération à l’époque) et les USA se sont fait la guerre de temps à autre. À cette date-ci par contre, au milieu de la guerre de l’Indépendance américaine, les attaques des patriotes contre le «Canada» le sont plus contre la présence britannique en Amérique du Nord en général. Je me suis déjà fait nargué d’être un sujet de la reine lorsque j’étais aux USA, et c’est la vérité après tout. Je peux juste leur dire qu’au Québec, au moins on essaye de s’en défaire de temps en temps, alors que dans le reste du Canada on est content d’être loyaliste apparemment. Après la victoire des patriotes, les Américains nous ont shippé tous leurs loyalistes. On est pris avec astheure que veux-tu.

Où en étais-je? Ah oui, l’invasion de Québec (1775). Et oui, Benedict reçoit le mandat de capturer Québec. Il passe par le Lac Mégantic et les swamps environnantes, emprunte le chemin de la rivière Chaudière en Beauce. Dans ses plans, il avait inscrit que les Abénaquis de la région et les Canadiens-Français allaient probablement accepter de se joindre à lui dans son attaque sur Québec. Il ne s’est pas trompé. En effet, beaucoup d’ancêtres des Beaucerons se sont joints aux Américains pour attaquer la ville ; la cible, bien sur, était l’Empire Britannique qui venait de conquérir la Nouvelle-France 15 ans auparavant. On parle de quelques centaines d’hommes. Ils se sont avérés être des renforts très importants parce qu’une grosse partie des soldats de la troupe américaine sont morts à cause d’un automne particulièrement froid, de la dysenterie, des cartes imprécises, de la bouette méganticoise, et des rapides dangereuses.

Le barrage Sartigan fut un obstacle particulièrement éprouvant.

À son arrivée à Québec, les Américains ne représentaient plus que 600 membres affamés de la troupe d’attaque ; il y avait donc maintenant un pourcentage significatif de jarrets nouères et d’Amérindiens dans l’armée de Ben. Même avec très peu de défenses, Québec n’a pas été prise; Benedict avait perdu beaucoup d’hommes, d’armes et particulièrement de cannons dans son expédition (maudite bouette Méganticoise). La réaction des autorités britanniques contre les Canadiens ayant collaboré avec Arnold fut modérée. On se contenta de travaux forcés pour 700-800 hommes. Ça a quand même calmé les ardeurs et l’opinion publique canadienne-française qui avait un certain enthousiasme envers la cause américaine.

Un Beauceron s’apprêtant à attaquer Québec.

Tout ça n’était que le début de la carrière militaire de Ben Arny. Il a été promu malgré la défaite à Québec à cause de sa capacité évidente à se rendre quelque part contre vents et marées. Il a aussi été le dernier à battre en retraite un peu plus tard lorsqu’il a quitté le Québec pour défendre le lac Champlain. Ses actions ont vraiment ralenti la contre-attaque des Britanniques.

Mais c’est là que s’arrêtent ses avancées. À plusieurs reprises, sa carrière a stagné malgré le fait que même George Washington reconnaissait la grande valeur de Benedict Arnold. Tout ça à cause de politicailleries et du fait qu’il était souvent dans d’intenses prises de bec avec les autres généraux quant aux stratégies à adopter sur le champ de bataille. La bataille lors de laquelle il s’est le plus distingué est probablement la fameuse bataille de Saratoga, qui a eu lieu à Saratoga (1777, état de New York) et qui est reconnue comme étant le tournant de cette guerre d’indépendance. C’est une bataille où il se chicana solide avec les autres généraux et où il a eu raison. Mais encore une fois, les promotions sont allées aux autres. Il voulut donner sa démission parce qu’il en avait ras le bol, mais George Washington la refusa, alertant les autres que s’ils continuaient ainsi, ils allaient perdre un bon général…

Le perdre? Il s’est tellement écoeuré qu’il a changé de bord et s’est joint aux Britanniques tout en tentant de saboter les patriotes américains en livrant des informations cruciales sur le mouvement des armées américaines et françaises (les Français ont aidé les Américains à gagner la guerre d’indépendance). Il s’est fait donné un bon rang par les Britanniques et a conduit quelques attaques dont la recapture de Richmond et du pillage-brûlage-de-maisons probablement bien senti en Virgine.

Il a publié une lettre ouverte «aux habitants des Amériques» dans un journal de New York pour se justifier. Dans cette lettre, il dit qu’au moment où les Britanniques ont acquiescé plusieurs de demandes des Américains, il a été surpris de voir la guerre continuer, et s’est retrouvé en profond désaccord avec le Congrès américain. Il condamne aussi l’alliance avec une France catholique faible «ennemie des protestants» qui parle de liberté (la Bastille s’en venait) mais qui n’agit pas.

Benedict a survécu à tout cela, malgré de nombreuses tentatives de capture presque réussies dont une faite par Washington lui-même. Il finit sa vie à Londres en 1801, à mi-chemin entre un général respecté et un businessman international, mais à tout jamais les Américains le connaîtront comme une grosse caricature de traître et les Beaucerons se diront «quissé ça».