Mais qu'est-ce?

Histoire histrionique est un blog avec lequel j’aborde diverses anecdotes historiques d’une façon… D’une certaine façon en tout cas. En général, les faits présentés devraient être véritables. En revanche, j'hésiterais à utiliser ce blog comme référence pour votre thèse.

5.10.09

Jeu controversé?

La petite compagnie américaine «Tripwire Interactive» a annoncé qu’elle allait mettre sur le marché un jeu de tir «à la première personne» (vu de la perspective du personnage, comme dans Doom) dont l’environnement est la Deuxième Guerre mondiale. Jusque-là, rien de très intéressant : pour les «gamers», les jeux basés sur la Deuxième Guerre mondiale sont presque rendus un running-gag tellement il y en a. (Call of Duty, Medal of Honour, Battlefield 1942, Company of Heroes, Day of Defeat, Hearts of Iron, etc etc etc.).

Jamais assez de nazis morts! JAMAIS!

Le gros bouleversement que créer «Red Orchestra 2 : Heroes of Stalingrad» de la compagnie Tripwire Interactive, c’est que c’est probablement la première fois où un jeu de tir à la première personne, où vous jouez le rôle d’un homme avec un fusil qui tire sur des gens, vous range du côté des Allemands. En effet, tous les jeux de tirs sur la Deuxième Guerre mondiale se passent du côté des alliés; on butte des boches quoi. C’est sûrement, en partie, une question liée au gros marché américain. Mais Tripwire Interactive se dit «ah pis let’s go avec les Allemands ».

En effet, ils n’ont pas poussé l’audace jusqu’à nous faire tirer sur des Américains, des Français ou des Britanniques. Je me disais qu’ils allaient peut-être au moins se permettre de trucider des Français, après tout, Tripwire est une compagnie américaine…

Je suis rapidement tombé sur des commentaires de gens qui s’insurgent contre le jeu Red Orchestra 2. «Jouer un nazi! QUELLE HORREUR! VOUS VOULEZ FAIRE UNE GÉNÉRATION DE NÉO-NAZIS!!!»… Ça me donne juste le goût de dire un gros «hey toi le gros cave, ta yeule !».

Je ne dis pas… Si le jeu s’était appelé «Adolf Hitler : The Game» ou bien «SS Waffen Hero ; let’s kill some jews», là, j’aurais peut-être compris l’indignation. Mais dans le cas présent, on joue un «sans histoire» dans la Wermarcht, l’armée de terre Allemande. Un conscrit, probablement. On se fou vraiment le doigt dans l’œil si on ne sépare pas au moins un peu le nazisme de l’Allemagne.

Pierre Foglia a récemment écrit un article fort intéressant sur Berlin, ville qu’il a visitée (merci Yvon). Il parle dans cet article du «spectaculaire masochisme» de Berlin. Il y aurait multiplication des monuments commémoratifs des événements de 39-45. C’est un «guilt-trip» permanent, on doit se sentir coupable, 24 heures sur 24. On doit se souvenir, j’en conviens, mais sa conclusion est tellement vraie : on est *tous* coupables de la Deuxième Guerre mondiale. Et les Allemands n'ont pas le droit de dire ça.

Ce qui fait peur lorsqu’on regarde les images intenses de tout ce qui s’est passé, ce ne sont pas les nazis : c’est nous-mêmes. C’est nous-mêmes qu’on voit. On a peur du fait qu’apparemment, les humains soient capables de ça.

J’ai lu une grosse brique des années 50 sur cette guerre mondiale. L’auteur était un journaliste américain basé en Allemagne dans les années 30. Sa conclusion est que tout ça est arrivé parce que les Allemands étaient un peuple «carré», soumis, qui aimait écouter des ordres. Ne pensez-vous donc pas que cette conclusion est arriérée? J’appellerais ça raciste, personnellement. Déjà, on avait tellement peur de penser que n’importe quelle personne aurait pu se retrouver prise dans l’engrenage du nazisme, qu’il fallait se faire croire que les Allemands étaient apparemment génétiquement prédisposés à faire ce qu’ils ont fait.

Non, nous sommes tous coupables de ça. Et dans cette perspective-là, s’enrager à l’idée de jouer à la guerre dans la peau d’un conscrit Allemand se battant pour son pays, c’est hypocrite sans bon sens. Certains critiques disent que tout le monde savait et personne ne faisait quoi que ce soit. Ils se font croire que eux, personnellement, ils auraient fait quelque chose. Tellement trop facile à dire.

En plus…

Nous autres, dans nos belles démocraties, on ne va peut-être pas dans d’autres pays pour gazer du monde ou leur loger des balles dans le crâne… Mais… On choisit délibérément, tous les jours, de complètement ignorer des millions de personnes qui meurent de causes complètement absurdes. Vous et moi, on pourrait aider en achetant un billet d’avion demain et en donnant du temps et de l’argent. Mais non… On se sent tellement «impuissant et minuscule face à cette immense et horrible vérité». Il me semble que j’ai déjà entendu ça quelque part…

Je me demande comment l’Histoire va nous juger, nous, en l’an 2500.