Mais qu'est-ce?

Histoire histrionique est un blog avec lequel j’aborde diverses anecdotes historiques d’une façon… D’une certaine façon en tout cas. En général, les faits présentés devraient être véritables. En revanche, j'hésiterais à utiliser ce blog comme référence pour votre thèse.

21.6.09

Les anges polonais

Savez-vous ce qu’est un hussard? Pour bien expliquer, il faudrait revoir tout l’historique militaire des unités de cavaleries, et là, disons que c’est hors de mon champ de compétences. Si je m’avance un peu… Les cavaleries ont été groupées en deux catégories, les lourdes et les légères.

Quand on pense à des combattants à cheval, on pense souvent aux chevaliers médiévaux. À cette époque, il y avait beaucoup de types d’unités de cavalerie lourde, et les cavaleries légères étaient généralement simples (moins d’armure, lances, chevaux plus rapides, mais moins robustes). Avec l’apparition de l’arme à feu, des canons et de la nécessité de communiquer des ordres pour gérer d’énormes batailles, la force brute de la cavalerie a perdu un peu de valeur tandis que la rapidité d’exécution des manœuvres d’encerclement est devenue primordiale. On s’imagine…

C’est quoi le rapport de «HU!» anyway?

Ainsi, la variété de cavaleries légères a dramatiquement augmenté au 15e siècle et a perduré jusqu’à la Première Guerre mondiale. Même que le cheval a joué un rôle logistique important pendant la Deuxième Guerre mondiale (transport de matériel), ce que je peu de gens semblent réaliser.

Les hussards sont des unités de cavalerie légère qui sont apparemment nées en Hongrie. Le mot «hussard» viendrait du hongrois pour «vingtième » (parce que chaque vingtième homme de l’armée était assigné à la cavalerie). J’ai aussi vu que c’était un mot hongrois provenant d’un mot serbe signifiant «pirate». Comme quoi l’Histoire est loin d’être une science exacte. Les hussards ont combattu de façons différentes selon l’époque. Ils avaient toujours au moins une arme de main, et plus tard souvent un fusil quelconque. Ils chargeaient habituellement avec une épée et se battaient ainsi en mêlée après la charge initiale; l’arme à feu était généralement utilisée à côté du cheval, lorsque la situation le permettait (très peu d’unités tiraient à dos de cheval!).

On associe beaucoup les hussards à l’époque des guerres de Napoléon. C’était une marque de prestige et de fierté de faire partie des hussards. Et ce, même si le taux de mortalité était beaucoup plus élevé dans la cavalerie que dans les fantassins. Personnellement, si on me donne le choix entre être pris en tapon dans un mur d’hommes à pied, ou être presque tout seul sur un piédestal (cheval) dans le milieu du champ de bataille avec une veste bleu flash, je pense que je me contenterais de la gloire du fantassin. À moins d’avoir la job du piccolo.


Il y a eu quelques unités de hussards *lourds*. Les hussards polonais sont l’exemple le plus connu. Ces unités étaient surtout présentes lors des débuts des hussards, lorsque l’arme à feu n’était pas encore omniprésente (parce qu’elle pétait dans la face de l’utilisateur et brûlait allègrement cette dernière une fois sur trois, en plus de prendre 5 minutes à recharger).

Et oui, toute cette longue introduction n’est là que pour présenter un fait divers: le hussard ailé polonais.


Hoooolyyyy shiiiiiit.

Non, cette image n’est pas tirée d’un livre intitulé «Gramulax et la quête de l’émeraude elfique»: elle provient bel et bien d’un livre d’histoire. Il y a eu, dans notre histoire, des cavaliers ailés. Je pense qu’il n’y en a même pas dans le Seigneur des Anneaux, c’est tout Deer (voix de Pierre Houde).

Les hussards polonais étaient l’élite de la cavalerie polonaise. Ils ont participé à de nombreuses victoires pendant le 16e et le 17e siècle, contre divers ennemis (Russes, Ottomans, Suédois, coudonc, tous les voisins finalement?), et parfois lorsqu’ils étaient fortement en désavantage numérique. Ils travaillaient fort dans les coins et s’en sortaient.

Ces unités sont devenues des unités de parades avec les années et la progression des armes à feu, mais au début, il y aurait en effet eu des batailles avec des cavaliers ailés. Certains s’entendent pour dire que ce n’était QUE pour les parades, apparemment que la résistance des ailes à l’air aurait arraché les cavaliers de leurs selles lorsque ceux-ci auraient tenté de charger… Pourtant, il existe une panoplie d’explications pour la présence de ces plumes montées sur des cadres de bois sur le champ de bataille. On veut tous trouver des raisons pour y croire, parce que c’est trop badass:

1) Les ailes faisaient un bruit qui rendait les chevaux sourds aux autres bruits qui auraient pu les affoler. Certains peuples avaient même des engins en bois faits spécialement dans le but de faire du bruit pour effrayer les chevaux… D’ailleurs…

2) Les ailes faisaient un bruit affolant pour les chevaux ennemis qui n’étaient pas entraînés pour ce genre de stress.

3) Les ailes rendaient difficile l’assaut par le lasso (allitération et assonance, +3 points, bravo Simon). Les Tatars de la Crimée étaient des maîtres du lasso (et oui, ils étaient un autre membre de la grande famille des peuples ayant une dent contre les Polonais. Quand c’est la seule que t’as dans la bouche, c’est qu’il s’agit d’une haine bien sentie. OH SNAP).

Finalement, les hussards polonais sont ceux qui ont vraiment maîtrisé la charge lourde et intense. Imaginez-vous, voir une cinquantaine de tels soldats vous foncer dessus pendant que vous recharger un fusil avec le maudit petit bâton inutile. Zing zing zing. J’espère que vous avez les nerfs solides pour accomplir la tâche, sinon c’est la baïonnette qui devra être solide! Mais encore une fois, lorsque le mousquet à canon lisse a été remplacé par des armes plus efficaces avec des technologies comme les pièces facilement changeables et surtout le rayage des canons, ce type de charge a perdu beaucoup d’efficacité.

Rayures de canon: des petites lignes dans les canons et voilà, on change le cours de l’Histoire.

Bon, ben j’ai trouvé mon déguisement d’Halloween. Peut-être que je vais le modifier pour combiner les ailes au suit du «squad man» nazi, pour un effet complètement WTF. I’m stylin’.

PS: Dernière semaine pour voter.

7.6.09

La jambe maléfique

Un homme, une jambe. Philip Verheyen est un Néerlandais ayant vécu entre 1648 et 1711. C’était un jeune prodige. On l’envoya dans un collège où il s’intéressa au dessin de l’anatomie. Il est l’auteur d’un livre d’illustrations anatomiques très important (Corpus Humani Anatomia). Il fut professeur d’anatomie, et publia beaucoup d’ouvrages reconnus sur le sujet.

Mais sa vie a pris quelques bifurcations avant de se rendre là. À la sortie de son cours en arts, il se préparait à aller dans un collège pour prêtres, comme il désirait le faire depuis sa tendre enfance. C’est à ce moment que la maladie le frappa. Une infection le força à se faire amputer une jambe. Philip Verheyen avait déjà une fascination pour l’anatomie, mais il avait aussi l’étrange impression religieuse qu’on ne pouvait pas enterrer une partie du corps séparément du reste. Par intérêt pour sa jambe et par désir que sa jambe ne se décompose que lorsque son être entier allait être prêt à mourir, il demanda à son chirurgien de conserver le membre. Il semble que cet événement ait renforcé l’intérêt de Verheyen pour l’anatomie et lui ait fait un peu oublier ses projets cléricaux. C’est une raison comme une autre de ne pas devenir prêtre, je suppose… «M’man, depuis que j’ai perdu ma jambe, je veux devenir médecin, oublie ça la prêtrise». Moi en tout cas, ça m’en aurait pris pas mal moins pour changer de chemin et éviter de devenir prêtre.

Alors, on prépara la soupe à la jambe; une bonne dose de brandy, du poivre et un genre de vinaigre balsamique. Avant d’y être plongée, la jambe fut traitée au talc, lavande et mercure (une composante importante de toutes les recettes depuis les temps romains, apparemment). Bref, on avait maintenant une jambe préservée, pratiquement indestructible. L’histoire ne dit pas trop s’il gardait sa jambe dans le pot sur le bord de sa fenêtre à côté d’un bouquet. J’espère.

Philip Verheyen développa une relation étrange avec sa jambe… Il est l’un des premiers à avoir mis sur papier l’existence du phénomène du «membre fantôme». Il se mit à prendre des notes, un recueil de centaines de pages qui s’intitule «Notes sur ma jambe». Les lecteurs modernes préfèrent souvent traduire le titre de ce journal par «Lettres à ma jambe», à cause du ton personnel qui émane des textes. En effet, Philip Verheyen parle directement au membre en question. Il est difficile pour un non-amputé d’imaginer à quel point le membre fantôme est bien réel. Les gens se lèvent souvent le matin avec l’impression qu’ils ont le bras dans une fâcheuse position (genre derrière la tête) mais ils ne peuvent rien faire pour déplacer leur bras… Parce qu’il n’existe pas…

Philip Verheyen continua de converser avec sa jambe dans ses notes pendant des décennies… Il devint recteur de l’Université Catholique de Leuven et sa réputation d’anatomiste grandissait. Mais avec les années, disons qu’il commença à être affecté psychologiquement par sa jambe fantôme. Il se croyait un peu fou de toujours sentir une jambe alors qu’il n’y en avait pas, et personne n’avait vraiment travaillé sur ce sujet, il se sentait probablement seul dans cette situation. Il commença à délirer et il écrivait de plus en plus de texte dans son journal, à sa jambe… Texte dont la pertinence et le fil conducteur diminuent avec son intellect... Il se demande de plus en plus si sa jambe, dans son bocal, a un effet métaphysique sur lui, et que c’est elle qui lui donne le sentiment fantôme.

Pendant les mêmes années, il assista à des espèces de freakshows de médecine à La Haye. Un autre professeur d’anatomie renommé faisait des dissections spectaculaires devant un public diversifié et ébahi. Ledit professeur colorait même ses vieux macchabées pour que le tout soit le plus réaliste possible. Philip Verheyen fut très impressionné; on a la preuve qu’il a vu ces «spectacles scientifiques» à plusieurs reprises parce que plusieurs de ses billets d’entrée servaient de signets dans son «Lettre à ma jambe». À ce moment, il se sent très inspiré…Un peu trop.

Il ouvre le bocal qui le « titillait » depuis des dizaines d’années, s’assoit à son bureau, et fait une dissection de sa propre jambe. Il veut comprendre son membre fantôme et s’assurer que c’est cette fameuse jambe préservée, et apparemment munie d’un esprit, qui le hante, il veut en finir avec elle. Il veut prouver que la jambe fantôme n’est pas créée par son cerveau et qu’il ne délire pas. Il défait chaque petit morceau, petit nerf, petit tendon, lui met une petite étiquette. Un homme dédié à la science. Le procédé dure pendant presque 20 ans, jusqu’à la mort de notre protagoniste.

Philip Verheyen

Il décède en 1711. Dans son bureau, on trouve une grande table, avec tous les infinitésimalement minuscules morceaux de jambe de Phil exposés, délicatement coupés, méticuleusement étiquetés. Esprit torturé par un fantôme, jusqu’à la fin. Il ne réussira pas à se rassurer; le cerveau est en effet responsable du membre fantôme, comme on le sait aujourd’hui, aucun membre coupé ne devient maléfique. Enfin, j’espère que je n’ai pas besoin de préciser…

Ça fait une heure ou deux que je lis sur le sujet et travaille sur cette petite chronique, le mot «jambe» n’arrête pas d’être prononcé dans mon cerveau, et plus on dit le mot «jambe», plus on trouve ça vraiment laid. JAMBE, une jambe? Sérieusement, ça s’appelle une jambe… Jambe.

PS: Une seconde pour voter, à droite!